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Monthly Archives: October 2015

AKOUSMA XII ./* Soirée “Cristaux bruités” avec Junya Oikawa (Japon) + Jesse Osborne-Lanthier (Québec) + John Chantler (Australie) + Dominic Thibault (Québec)

Une soirée pleine de dextérité et de découvertes que ce 29 octobre à L’Usine C pour AKOUSMA XII, en compagnie de Junya Oikawa du Japon, John Chantler, australien d’origine ayant migré vers l’Europe, Jesse Osborne-Lanthier et Dominic Thibault d’ici. Chacun dansait discrètement à sa façon en caressant la console, dont s’est extraite à plusieurs reprises une réelle magie sonore.

Junya Oikawa paraît avoir quinze ans, il est d’une fraîche trentaine, et son travail fort abouti a déjà été accueilli dans une quinzaine de pays. Il y a deux ans il était entre autres couronné du prix Qwartz Expérimentation/Recherche en France. Son approche est d’une rigueur et d’une subtilité renversantes. Une illustration parfaite du thème Cristaux bruités de cette soirée, il présentait la pièce 6 créée cette année d’une série entamée il y a dix ans, ses Plastic Recollections. Il s’agit d’une recherche épurée et presque obsessive puisque chaque composition du cycle est élaborée à partir des éléments sonores d’une unique surface ou matière, par exemple du styrofoam ou du ciment. Ce sixième mouvement place une caisse claire à l’honneur, dont l’artiste a sorti une ribambelle de rebonds accélérés, aussi nets que ceux d’une balle de ping-pong. Il joue de ces minuscules effets mitraillettes en chaîne, les fait se chevaucher sur différents tons et se déplacer extrêmement vite dans l’espace ceint des haut-parleurs.

Plastic Recollections 6 naît ainsi de très peu, comme elle peut furtivement devenir cacophonique et insupportable pour s’évanouir aussi vite. Voir les mains à plat du compositeur à peine effleurer les commandes, comme un prestidigitateur qui agirait par influence thermique, est tout à fait spectaculaire. D’autant que son corps entier livre une chorégraphie silencieuse, pour ainsi dire sinueuse. Sa musique de flashs et de fulgurances n’est ni coupante ni maléfique, elle emprunte une magie très lumineuse et ludique, curieuse du potentiel de tout objet et de l’infinité de possibilités du détail. Au milieu de la fascination qui s’impose, la partition d’une courte demi-heure connait toutefois un infléchissement étrange, tandis que cette enfilade de ponctuations rapprochées quitte le mystère de son code pour devenir uniquement excessive, obsédante, exaspérante presque. Les oreilles bourdonnent et la vue se trouble avant même que l’étourdissement survienne. Comme un enfant pousserait à bout de ses pourquoi sans fin ou agacerait en répétant une action déconseillée. Ce flirt soudain à la frontière de l’impatience n’a pas besoin de s’étendre, il ne fait que se payer une petite visite au seuil des tympans pour que le spectateur garde ensuite en tête que l’anodin du jeu et son inoffensivité apparente pourrait facilement basculer dans quelque chose de moins enfantin. Du titillement à la torture du chatouillis. La simplicité de la composition permet une attention particulière à la modulation spatiale, et AKOUSMA s’avère ici un excitant contexte expérimental pour prolonger l’exploration in situ.

S’ensuit une immersion tout à fait techno et berlinoise livrée par le Québécois expatrié Jesse Osborne-Lanthier, dans une configuration performative frontale. Le vingt minutes qu’il présente en création mondiale au festival, Embodying Strategic Self-reference in a World Futures Conference or Applying a Stereo Field to a 45 Speaker Setup, est un extrait qui rend son travail au complet  fascinant. Sa composition est un croisement d’une multitude de bruits qui viennent en permanence bousculer sa rythmique et défaire toute logique. Tandis que son beat accrocheur, même dansant et trip-hop par moments, rappelle des constructions plus pop du genre de Prefuse 73 ou Son Lux. Cette déstructuration industrielle fait intervenir des sonorités particulières, pas si graves ni sombres et moins lourdes que le style de chantier suppose. Il opère en quelque sorte à la façon d’un Édouard aux mains d’argent qui manierait mille couteaux à la fois et trancherait toutes sortes de gorges, de tissus et de flancs à la file. Sanguinaire certes, mais d’une agilité sublime, comme les meilleurs samouraïs du cinéma asiatique. Avec l’élégance et le talent d’un Kill Bill, d’un Tigre et Dragon, d’un Touch of Sin. L’art de porter le geste avec grâce, qui rend le meurtre appréciable à un niveau esthétique.

Et puis, au-delà de ses matériaux effilés – ses flèches, ses cisailles, ses sabres qui font tomber les décors à peine posés, l’un après l’autre – on embarque totalement dans sa présence démentielle et son plaisir extatique qui contrebalancent positivement le système de lacérations en action. Sa tête cogne en amont à la manière d’un chef d’orchestre, et son corps tressaille d’une pulsation propre, un peu décalée, sans doute par préméditation. À l’image d’un cerveau qui aurait toujours une longueur d’avance au point que les idées n’aient pas le temps d’être formulées au complet qu’il est déjà ailleurs, emporté. Pour leur part, ses mains hyperactives rebondissent à une vitesse folle sur une console qui semble brûlante. À vérifier, car il ne serait pas si surprenant que pareil enflamement crée une chaleur infernale à plus long terme. En un extrait seulement, une flambée surnaturelle sur scène, pour le fun, en passant. Plus à écouter ici.

Ce qui se révèle de l’Australien John Chantler, dans son attitude et sa musique, est avant tout de l’humilité, une certaine réserve dans ses gestes, perceptible également à sa manière d’amener son entreprise sonore à éclosion. The Long Shadow of DeclinePt I, Pt II, Pt III est la pièce la plus étirée du programme (35 minutes) mais sa lenteur à se développer la rend plus courte à l’écoute, plus exigeante aussi. Les premiers points sont les plus intéressants, en particulier tout le thème introductif, très organique, qui mène inéluctablement, sans préavis, à l’orgue. L’univers de gazouillis électroniques et de textures liquides passe plusieurs portes et valves avant d’atteindre le nerf central, instrumental. Et là encore, l’instrument monumental n’est pas brusqué dans ses sonorités et expressions les plus agressives et connotées, le compositeur prend au contraire le temps et la minutie nécessaires pour introduire son langage par fines harmoniques fragiles, qui se remplissent et s’approfondissent ensuite. Avant de s’en retourner se tapir dans l’obscurité quasi tout de suite.Ce qui laisse, dans un second temps, place à des stridulations et des aigus plus pénibles et brouillés.

L’impression très touchante que procure cette démarche délicate et progressive est celle d’un accès, furtif mais inestimable, à une beauté cachée, qui se mérite. Ce quelque chose d’authentique, et d’intérieur, qui ne cherche aucunement à s’exposer ni briller, conserve d’autant plus de valeur que sa rareté et son secret sont protégés. L’intimité donne au moment d’entrevoir cette vérité un caractère précieux et décisif. La performance s’accompagne d’un jeu d’éclairages et de couleurs (comme la prestation suivante d’ailleurs) qui n’ont suscité que peu d’attention, toute la concentration étant aimantée par la musique et sa spatialisation.

Alors que Dominic Thibault s’installe à l’îlot central pour clore la soirée, rien n’annonce l’oppression qui émane pourtant de sa création *(se). Au programme on lit plutôt un développement en huit mouvements qu’on imagine relativement calmes, puisqu’y sont évoquées la contemplation, l’obéissance, l’attente :

*obéir
*contempler
*vouloir
*attendre
*croire
*isoler
*perdre
*nier

Erreur. L’oeuvre s’ouvre sur des sonorités suraiguës en continuité directe avec ce qui l’a précédée. Immédiatement, ce décollage se retrouve immergé dans un brouillard grésillant qui se transforme sitôt en vagues, des gros rouleaux. Ce paysage n’a pas l’air d’une plage paradisiaque, et le temps n’y semble pas reposant. Chaque phrase de trois quatre minutes se développe autour d’intenses montées et descentes poussées jusqu’à un seuil de tolérance.

Mon regret personnel était d’y entendre des sons et phénomènes trop figuratifs, des pétarades de fusils lointains, des démarrages d’engins motorisés de grande envergure, des fusées de détresse ou feux d’artifice dont la forme en bouquet final produisait peu de surprise et suscitait difficilement l’intérêt. À un certain moment toutefois, avant un retour cyclique aux vagues de l’avant-dernier mouvement, l’excès de ces montagnes russes atteint semble-t-il un paroxysme chargé d’un autre sens. On y perçoit, en flou, des symboliques plus psychologiques de phases agressives, dépressives, des piques d’humeur qui submergent la raison. Et en parallèle, un travail d’assourdissement du mal par l’antithèse : le silence, l’isolement, le bruit blanc, la chambre anéchoïque. La sensation quasi somatique d’une pression insupportable sur les tympans, causée par l’absence, le vide, le manque. Au-delà du plus et du trop, l’anéantissement de tout. Dans ce sens, les huit états d’ascétisme examinés par *(se) se rapprocheraient de la manifestation violente pour le corps et l’esprit de la privation, en choisissant – cela reste discutable – d’aborder cette précision chirurgicale et illuminée de la recherche de pureté par un chaos bruyant plutôt que par les multiples ressorts du minimalisme électroacoustique.

./* AKOUSMA se poursuit jusqu’à samedi.

AKOUSMA XII ./* Série Électrochoc et soirée pré-festival De natura sonorum

Dès ce soir et jusqu’à samedi, la douzième édition d’AKOUSMA prend d’assaut l’Usine C pour de longs concerts acousmatiques d’artistes d’ici et d’ailleurs. Une vingtaine de compositeurs, de nombreux interprètes et plusieurs œuvres sont au programme (dont Akufen réédite le beau design), parmi lesquels des noms familiers – Adam Basanta, Nicolas Bernier, Martin Messier, Quatuor Bozzini, John Rea, Dominic Thibault -, d’autres particulièrement attendus – Georges & Martin, Junya Oikawa, Ilpo Väisänen – ou à découvrir – Thomas Ankersmit, John Chantler -, et des retours – Hanna Hartman, Line Katcho. En marge des soirées officielles de ce festival des musiques numériques immersives, l’événement a pris de l’avance à l’occasion d’une soirée exceptionnelle de prélancement en hommage à Bernard Parmegiani, et se prolonge le reste de l’année par la série Électrochoc lancée il y a juste un mois pour sa saison 2015-2016. Autant d’opportunités de pénétrer des antres privilégiées de création sonore et d’écoute, et d’accéder à l’intimité de démarches artistiques hétéroclites.

L’Inde vol direct

Le 24 septembre dernier, Félix-Antoine Morin (cofondateur de l’étiquette montréalaise Kohlenstoff et membre du comité artistique d’AKOUSMA) présentait le fruit de ses deux dernières années de recherches et compilations sonores, la pièce Le jeu des miroirs de Kolkata, dont l’élément fondateur fût un périple de plusieurs mois en Inde. La composition suit le mouvement du voyage, de l’éloignement du connu, de l’infiltration de paysages, situations, sensations au départ étrangers. Ainsi le spectateur peut opérer un déplacement similaire au cours de la création, supposant une perte progressive de repères et l’envahissement par quelque chose de plus grand. L’errance s’ouvre sur une impression mystique qui ne fera que se renforcer au fil des pérégrinations. Elle comprend également une part noire et quelque peu menaçante pour qui n’a pas vécu pareille expérience d’un profond dépaysement, et face à face avec une part enfouie de soi.

Plusieurs motifs sont clairement identifiables, en lien avec la ferveur religieuse de divers endroits visités et des événements exceptionnels vécus, tel que le Kumbh Mela, un pèlerinage vertigineux de millions de pratiquants une fois aux douze ans, déversés par train sur les bords du Gange. On sent les vibrations des rails, la chaleur et le métal, le poids d’humains amassés et le flot des corps transportés. De même pour l’épisode suivant à la frontière du Pakistan, à Varanasi, cette “Cité de la mort” où sont brûlés des corps à la journée longue. L’obcurité de la salle se charge immédiatement du crépitement des flammes, d’ossements qui craquent, et d’une insoutenable conviction de puanteur. Parce que sans la connaître nécessairement, toute espèce animale est traumatisée, terrorisée par l’odeur de la mort, de la maladie, de la souffrance.

Afin de réaliser cette traversée monumentale, Félix-Antoine Morin a sans doute dû achever un interminable et douloureux travail de tri pour parvenir à extraire son propre cheminement et faire abstraction de révélations personnelles. Son ouverture sans jugement et sa générosité sont palpables et lui ont permis de proposer un essai d’une certaine façon épistolaire et concis, dans un langage électroacoustique somme toute intelligible (pour qui n’est pas forcément habitué d’illuminations). Outre l’extrême de l’expérience, malgré une lourdeur oppressante inhérente à la matière, l’oeuvre trouve presque une luminosité en comparaison de travaux antérieurs, sombres et plus torturés. À la suite de quoi, la recherche en cours présentée brièvement en seconde partie, instrumental et basé sur des vibrations de sorte d’anches enfermées, non sans intérêt, manquait radicalement de capter l’attention. L’air comme exténué par une longue errance hors du temps, peuplés de périls fantastiques, façon Ulysse.

Prochain rendez-vous : Soundwich n°5 le 17 novembre au studio Multimédia du Conservatoire de musique de Montréal (Électrochoc 2).

Le son se rapproche

C’est en plein cœur de l’église du Gesú que s’est tenue la soirée de prélancement du 27 octobre, face à l’orgue monumental et dans l’obscurité quasi complète de cette imposante architecture. Les concerts de poésie et classique qui se tenaient ici les dernières années n’occupaient pas les bancs avant sinon l’aire arrière de l’espace, et ce surclassement des auditeurs d’AKOUSMA aux premiers rangs est sans doute un privilège de l’installation définitive du Vivier dans les lieux. Le cachet est en tout cas une coche au-dessus de celui de la salle de spectacle, même si l’envol des notes dans les hauteurs et arcades n’est pas un élément optimal en matière d’immersion. L’installation de haut-parleurs du festival préservait la qualité du concert fort heureusement.

Le programme central était bien sûr l’interprétation de l’oeuvre De natura sonorum de Bernard Parmegiani, inventeur et mentor en électroacoustique, disparu en 2013. Expert en musicologie lié à l’Université de Montréal entre autres, le professeur Jonathan Goldman a souligné quelques clés de la démarche de Parmegiani, immédiatement perceptibles à l’écoute de cette construction majeure de 1975. La composition traite avec ludisme et un plaisir certain la discussion de sons concrets, électroniques et instrumentaux. Travaillés parfois en longues notes mélodiques et leurs modulations, d’autres fois en intrusion de bruits et picotements plus brefs et déconstruits, ces sons se complètent, se confondent et se répondent dans une succession de douze temps courts variant de une à plusieurs minutes, l’ensemble constituant un enchaînement fluide et rondement mené d’à peine cinquante minutes. Les titres de ces micro-sections valent un coup d’œil pour leur poésie descriptive :

1 / Incidences/Résonances (4:00)
2 / Accidents/Harmoniques (4:46)
3 / Géologie sonore (4:34)
4 / Dynamique de la résonance (2:53)
5 / Etude élastique (6:42)
6 / Conjugaison du timbre (5:05)
7 / Incidences/Battements (1:43)
8 / Natures éphémères (4:08)
9 / Matières induites (3:44)
10 / Ondes croisées (2:01)
11 / Pleins et déliés (4:39)
12 / Points contre champs (8:31)

L’intelligence d’AKOUSMA dans la pensée de cette performance hommage est assurément d’avoir convoqué douze compositeurs, un pour chaque courte parenthèse, à se succéder à la console et à s’approprier la spatialisation par morceaux. Étaient donc présents, dans le désordre : Gilles Gobeil, Nicolas Bernier, Louis Dufort, Hanna Hartman (qui a par ailleurs ouvert la soirée en performant Longitude 013° 26′ E, datant de 2004), Line Katcho, Jean-François Blouin, Adam Basanta, Martin Bédard, Ana Dall’Ara Majek, Georges Forget, Monique Jean et James O’Callagan. Cette pluralité de points de vue juxtaposés venait enrichir le jeu expérimental mis en place par Bernard Parmegiani à l’écriture de la pièce, et créer un contexte divertissant et une relecture rafraîchie de la matière de référence. Approchée au goût d’aujourd’hui, dans un lieu tout à fait particulier, par des électroacousticiens y révélant, chacun à sa façon, des couleurs de choix qui ont sans doute influencé, à un moment ou à un autre, leur sensibilité et leur pratique.

Au delà de l’hédonisme musical souligné en présentation, et qui transportait visiblement Parmegiani, et face à un matériau qui n’a pas tant vieilli, la manipulation sonore sous forme de mini lexique électronique relève quand même d’une époque de la découverte et de la recherche, et d’un habile didactisme. Pour un public novice, sa construction est d’une surprenante accessibilité. Elle démontre certes une grande maîtrise pour que sa complexité de partition paraisse à l’inverse limpide et relativement minimale à l’écoute, et que la succession des capsules variées forme un tout complet et somme toute cohérent. Cette lisibilité est en fait le propre des grands penseurs et théoriciens qui, par delà la somme de leurs connaissances et l’hyperactivité incessante de leurs cerveau et sens, conservent une amarre suffisante dans la réalité qui leur permet de vulgariser à l’oreille du quidam leur savoir sans pour autant l’amoindrir ou le simplifier.

Comme toujours, la soirée a été introduite par un mot d’humour de Louis Dufort, mentor émérite et directeur artistique de l’événement, dont l’improvisation inspirée est toujours une réussite. Il faut dire en l’occurence qu’en dehors d’une possible dixième victoire consécutive du Canadien, et de la pleine lune hivernale, cette soirée était en lice des meilleures coïncidences en programmant De natura sonorum de Parmegiani pour le 40e anniversaire de l’oeuvre, le jour de la fête de son créateur, en double programme avec Hanna Hartman, également née un 28 octobre. Miséricorde.

Rendez-vous dès maintenant à l’Usine C pour le vrai du festival.

./* Toute la programmation ici

FNC 2015 44e édition ./* Le coeur de madame Sabali de Ryan McKenna (Canada, 2015) dans la section Focus

FNC44

Un réalisateur de documentaires et de courts du Manitoba, Ryan McKenna présente dans la section Focus (dédiée aux oeuvres québécoises et canadiennes) son second long-métrage après The First Winter en 2012, en langue française cette fois. Avec son esthétique très Amélie Poulain et des têtes d’affiche excitantes au service d’un sujet farfelu, Le coeur de madame Sabali s’est imposé dès sa campagne promotionnelle comme un film distrayant et fantaisiste, l’une des rares productions de cette 44e édition du FNC pouvant se targuer du tag “drôle”.

Marie Brassard (en Jeannette) y incarne une femme en quête d’épanouissement personnel, dont une greffe de coeur vient chambouler le quotidien, les relations sentimentales ainsi que sa conception du désir et de l’amour. Elle quitte son conjoint avec qui le sexe est devenu platonique, endosse le rôle de mamma réincarnée pour la famille (le fils Chibal entre autres, porté par Youssef Camara) de la donneuse dont le coeur bat désormais dans sa poitrine, et accepte les avances d’un jeune collègue de la gare routière où elle travaille, Francis La Haye (le beau Albert). La naïveté du conte à la Caro et Jeunet est doublé de décors, uniformes et protocoles sortis droit du Grand Budapest Hotel (Wes Anderson), auxquels McKenna s’est permis quelques touches exotiques et luxuriantes du Mali. Les inimitables Amadou et Mariam donnent aux cérémonies d’adieu et de retrouvailles des allures joviales et ensoleillées.

Outre la dérision qu’il peut y avoir à tourner maintenant ces images kitsch et léchées, sans autres effets spéciaux que la construction visuelle, les pois et le rouge, et la récidive de symboles décalés (rondins peints de crustacés, superbes de laideur, signés Albert), le film s’offre également quelques failles trash dans sa quête de belle histoire d’amour. Si le coeur de madame Sabali s’est libéré miraculeusement, c’est qu’elle a été assassinée à coups de poignard, plusieurs. Sans entrer dans le drame des rejets de greffe, ce point de départ clinique et judiciaire donne toutefois lieu à des anomalies, par exemple le somnambulisme ou la découverte de nouveaux goûts, mais aussi des réminiscences de scène du crime. Au-delà du jeu de sa nouvelle vie qui commence, Jeannette doit composer avec qui elle était et demeure par-devers ce coeur étranger, informatrice numéro 1 dans une enquête criminelle, et probablement la demi-soeur d’un certain Albert, dixit Mon Oncle… Dans ce monde surréaliste où tout est excessivement simple et apparaît ou disparaît comme dans un rêve, les situations peuvent aussi se compliquer sans qu’on n’ait rien vu venir.

Le cas de Madame Sabali et sa receveuse d’organe est une ludique illustration des phénomènes fascinants qui entourent les opérations de greffe (de myocarde particulièrement) en médecine, dont le Centre PHI avait permis une vulgarisation étonnante à l’occasion de l’exposition-conférence Corps hybrides / Hybrid Bodies en 2013. C’est aussi une habile et divertissante façon d’aborder les multiples réussites et échecs des rapports intimes d’aujourd’hui, sans tomber dans des discours moralisateurs, candides, désabusés, éculés. Vieux, jeunes, démodés, nos coeurs resteront ces hybrides cousus de réalités organiques, de croyances ancestrales et d’espoirs sans cesse renouvelés. Un mal pour le bien de l’Humanité.

Anw na ku yé foli de yé.
Anw duya yé tolo kê yoro yé.
Anw bo kê ko yan.
Anw bo kê ko yan.
Djama!!!!
Sabali ! Sabali ! Sabali yonkontê.
Sabali ! Sabali ! Sabali kayi.
Ni kêra môgô fê sabali yonkontê.
Ni kêra tiè fê sabali yonkontê.
Ni kêra Mousso fê Sabali yonkontê.
Wo! ouh! Wo! sabali, sabali, sabali kagni.
Cherie, je m’adresse à toi.
Avec toi, cherie la vie est belle.
La!La!La!La! La!La !

Avec toi chérie.
Wo ouh! Wo !
La!La!La !La!La ! La.
Ça c’est pour la vie.
Wo ouh! Wo ! La!La!La!La! La!La !
Avec toi cherie.
La!La!La !La!La ! La.
Ça c’est pour la vie.
Cherie, je te fais un gros bisou.
Cherie, je te fais un gros bisou.
Je te fais un gros bisou.
Je t’embrasse fort.
Je t’embrasse fort.
Ah! Bye !Bye!

FNC 2015 44e édition ./* Polk de Níkos Nikolópoulos et Vladimir Nikolouzos (Grèce, 2014)

FNC44

Dans la section Panorama, Polk, un film de Grèce hors du temps, souffle la poussière de mystérieux décors dévastés, désertés par toute forme de vie. L’enquête porte sur l’étrange assassinat d’un journaliste et combattant américain, George Polk, en pleine guerre civile et guerre froide, en 1948 dans la baie de Thessalonique. Les reconstitutions semblent le fait d’un mentaliste d’aujourd’hui, qui ouvrirait une porte cérébrale vers l’au-delà plutôt que de se donner la peine d’un voyage dans le temps. Dans cet univers subconscient, les circonstances du meurtre du Texan (il fût retrouvé une balle dans la tête tirée à bout portant, pieds et poings liés) demeurent plus obscures que jamais. Elles avaient pourtant fait l’objet d’un film tourné par le réalisateur grec Dimos Theos en 1967, Kieron, politiquement dérangeant au point d’être censuré pendant sept ans par la dictature des colonels.

Seulement quelques séquences clé constituent ce long métrage tout en suspens, et déterminent son rythme lent, elliptique, contemplatif. Il débute par un coucher de soleil rouge de plusieurs longues minutes jusqu’à ce que l’astre se noie totalement derrière les ombres de grues et mâts qui dessinent l’horizon d’un port industriel. S’ensuit une discussion absconse entre deux esprits philosophes sur la notion de temps et la relativité de la ligne passé-présent-futur. Puis la caméra se fait témoin d’un festin en solitaire durant lequel la victime présumée est prise de sueurs froides, que ce soit par empoisonnement ou crainte de menaces invisibles. Dans un salon, en compagnie de deux chiens racés, la maîtresse de maison, veuve mondaine en tunique vaporeuse, évoque la mort de son mari dont elle questionne les détails sans lien apparent, en particulier le menu suspect de homard et pois verts décortiqué sous nos yeux un plan plus tôt.

Répétitifs et obsédés, ces témoignages figés alternent des plans éloignés travaillant une symétrie d’intérieur à la Wes Anderson (en moins chargé), et des gros plans sur des doigts ou une langue accompagnés de bruitages de déglutition. Cela ajoute à l’isolement contrasté de personnages perdus dans de vastes espaces délabrés, comme ce fascinant hall d’une gare dont le vent traverse la façade en ruines façon western. Le son, le lieu, le temps subissent un même paradoxe d’hyper acuité sensorielle et d’incompréhension totale des événements, confusion typique d’un attentat, d’une attaque armée à l’aveugle, ou d’une séance de torture à l’issue indéterminée. Des silences et des vides peuplés de disparus et de fantômes, l’histoire dans la pierre des murs qui seuls demeurent debout. S’intercalent des clichés de soldat dans les bois, de maquettes de restaurant miniature, d’hommes plus âgés qui se souviennent.

De même que le meurtre irrésolu laisse la mémoire insatisfaite, les noirceurs de l’histoire hantent la nation, et les questions sans réponse le cerveau. Est-ce là l’image sans âge d’un trou noir métaphysique pour la pensée humaine ? Les blessures irréparables de la guerre ? Ou devrait-on y lire l’allégorie actuelle d’un pays exécuté, où ne survivrait de l’économie et de la culture que des vestiges sablonneux d’un passé en miettes ? L’histoire peut également restée piégée quelque part entre 1946 et 1949, durant ces trois années de bousculade où la Grèce, exsangue du ras-de-marée nazi, a subi l’influence territoriale de la résistance yougoslave titiste et s’avère une ligne de front inévitable entre les Alliés et les forces communistes.

Très élaboré bien que minimaliste dans ses motifs, le film adopte une esthétique épurée, minutieuse, et définitivement labyrinthique qui appelle tout de suite l’esprit tordu et talentueux de David Lynch. Pour qui ne maîtrise pas parfaitement l’après Seconde Guerre Mondiale en Macédoine ou la mort dudit M. Polk, les symboles et recoupements créent tout au plus une résonance visuelle déroutante. Malheureusement, pour suggérer la coïncidence et les sursauts de l’histoire sur elle-même (ce chevauchement temporel évoqué par les deux penseurs au commencement), les réalisateurs Níkos Nikolópoulos et Vladimir Nikolouzos repassent tout simplement la bobine. Un geste qui paraît paresseux ou vraiment économe, là où les légères arythmies d’une seconde prise presque identique auraient pu ajouter au contraire au malaise de la répétition. En somme il manque de matière qui vienne épaissir le mystère, afin que le court-métrage de départ, conçu en 2013, tienne finalement en haleine pendant plus d’une heure. Étonnant, ocre, délectable. Et brumeux comme une purée de pois par jour de grande pollution. (En 2013, la crise économique profonde de la Grèce lui avait fait atteindre des pollution en la matière, par un recours accru de la population au bois de chauffage, tout en provoquant une vague de déforestation.)

FNC 2015 44e édition ./* Zvizdan (Soleil de plomb) de Dalibor Matanić (Croatie, Serbie, Slovénie, 2015)

FNC44

Certains films s’accompagnent d’un pressentiment favorable avant même qu’on en lise en diagonale le synopsis. C’était le cas de Soleil de plomb, d’office placé au sommet de cette 44e édition du FNC. Le visionnement de la bande annonce semblait d’ailleurs confirmer l’opinion : par son intensité, son ensoleillement, des plans inusités, l’utilisation racée de la musique et des respirations, l’eau, la Croatie. Deux heures de pellicule plus tard, la réjouissance n’a que gagner en puissance, puisqu’il s’agit définitivement d’une oeuvre intelligente, forte, humaine et historique, finement jouée et filmée, dont le monde ressort grandi. Et fait rare de la programmation de cette année, bien que partant du constat de trois décennies de conflit dans les Balkans et des blessures irréparables de la guerre dans la population, ce Zvizdan arrive encore à percer de quelques rayons de beauté et d’espoir entre les tombes et les cadavres d’histoires.

Le film met en scène trois temps, à dix ans d’écart, deux individus qui reviennent sous des prénoms différents, une histoire d’amour ou de guerre, la leur. Jelena et Ivan, Natasa et Ante, Marija et Luka. À travers le triptyque, ils gardent des âges similaires, elle est serbe il est croate, et irrémédiablement ils s’aimeront, se sont aimés, s’aiment pour la première et la dernière fois. En 1991 alors que les conflits prennent feu de brindilles haineuses, ils doivent fuir en ville à Zagreb, quitter cette guerre qui oppose leurs clans et entrave leur amour innocent. En 2001, tandis que les familles pleurent leurs disparus et reconstruisent tant bien que mal les ruines de l’histoire, ils se recroisent alors qu’elle revient avec sa mère s’installer dans la région et qu’il aide à retaper leur maison en qualité d’ouvrier. En 2011, le jeune gars qui a gagné la ville plusieurs années auparavant fait un passage en campagne pour une rave quelconque et va frapper à la porte de son ancienne conjointe, qu’il a abandonnée avec leur enfant, pour implorer le pardon.

Cette construction tricotée est magnifique car si l’histoire renouvèle ses personnages, elle n’en demeure pas moins chargée d’un sentiment de vengeance, d’abandon et d’amour, qui s’inscrit anonymement sur les visages, à l’image d’un peuple. Ainsi chaque nouveau chapitre est lesté du précédent, sans qu’il y ait précisément de coupable. Au départ ils leur est impossible de ne pas s’aimer et partir, mais il est abattu. Le second récit débute donc sur le deuil et la colère, que seul peut égaler le désir. Et de cette union sexuelle naît un enfant, lui non plus effaçable, pouvant seul réunir les peuples déchirés par le conflit. Retour à l’amour pour boucler la guerre. Comme le souligne le personnage de la mère, il n’y a pas de retour en arrière, jamais. Il faut reconstruire sur les tombes, les blessures, les haines.

Et puis il y a ce jeu, au milieu du drame qui se répète et fonce chaque fois dans l’impasse : les résonances à dix ans d’intervalle. Non seulement le réalisateur Dalibor Matanić reprend les mêmes acteurs, mais également des répliques, des lieux, des scènes. “C’est fini maintenant” et toujours ça recommence. Le cimetière, les baignades, les engueulades en cuisine, les virées en voiture, les courses dans l’herbe, les coups de fourchette au fond de l’assiette. Une fois le frère s’engage, l’autre fois il est enterré depuis deux ans, parce qu’en habit de militaire on ne fait pas long feu. Le bar de la plage est inauguré par la fanfare du village, une décennie plus tard il doit être remis en état, probablement brûlé, démoli, déserté. De cette façon, le long-métrage fait des anneaux barbelés sur lui-même sans pourtant se répéter, un peu sur le modèle de Cours, Lola, cours. Il y a l’idée en effet que l’on peut se redonner une chance, imaginer refaire l’histoire avec les presque les mêmes joueurs, en s’améliorant à chaque essai; qui bien sûr ne se transforme pas sans un lot de nouveaux défis. En tension il y a l’irrécupérable de la guerre et de la grande histoire, du temps qui s’écoule et emporte des vies. Alors non, on ne revient pas en arrière, on avance, et la seule façon de penser repartir à zéro, quand le sang tache tant, c’est de pardonner. Unique arme à remonter le temps.

Outre son scénario extrêmement bien ficelé et son approche, mature et rafraîchissante dans un contexte de désaccords fratricides historiques, cette oeuvre fait preuve d’un raffinement esthétique autant dans l’utilisation de la lumière et du son, que dans les cadrages rapprochés, les différentes textures, les déshabillés sensuels arborés avec désinvolture. Il y a peu de musique, quelques chansons populaires, la radio dans l’auto, la trompette, du son écouté au casque ou la grosse fête. Celle-ci est donc toujours prise en contexte, et traitée étonnamment au même niveau que du bruitage. Les protagonistes aussi, sont maintenus dans une équité et un respect remarquable, qui n’écrasent pour autant les explosions de caractère, les réactions violentes ou contenues, le ressentiment. De même qu’on atténue les nationalités, en insistant seulement sur la notion différence, il n’y a pas non plus de gagnant ou d’accusé entre les personnages. Tous sont victimes et perdants d’une certaine façon, tous doivent combattre pour choisir la vie et sauver ses meilleurs côtés. La réconciliation entre les hommes ne passe pas nécessairement par un procès et la justice.

Au final, ce film ne fait pas d’erreur, il laisse une empreinte discrètement sublime et l’impression d’avoir vécu la vérité de ces émotions rares et inexplicables en mots. Trois histoires n’auront pas suffi à épuiser les complexités du conflit ni la flamme de cette relation. Elles mettent le doigt, en revanche, sur ce qui fait la fougue et l’impertinence de la jeunesse. Cette force de refuser les armes, de se battre autrement, de s’obstiner à la trompette ou à la course, de ne pas baisser le regard et de poursuivre sa conviction au-delà de tout droit ou pouvoir.

FNC 2015 44e édition ./* Courts-métrages de la série Focus (Programme 5)

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La série Focus a rassemblé sous son Programme 5 sept courts-métrages québécois et canadiens autour du thème annoncé de la solitude. Du monde seul, ces capsules en montrent, seul et fucké. Peut-être est-ce la solitude qui les a tordus ? Ou parce qu’ils sont tordus, se retrouvent-ils seuls ? L’isolement pourrait aussi être un choix, pour fuir une société elle-même tordue ? Dans tous les cas de figure, il en résulte une série noire et peu réjouissante dans l’ensemble, où les pointes d’humour sont rares et les portraits plutôt affligeants.

D’Halifax, Winston Degiobbi propose sans doute la galerie de personnages la plus perturbante avec Higgy Wants In. Son protagoniste, Leonard Higgins Jr., rasé à la militaire, les bras déformés de kystes, au besoin évident d’évacuer de l’agressivité renfermée en lui, n’a rien de rassurant. Le voisinage qu’il se prépare à visiter n’est pas moins déstabilisant : ses ados désoeuvrés annoncent ne pas avoir dormi depuis près de quarante heures et s’absorbent de médiocrités télévisées, tandis qu’un vieux Popeye s’y promène en radotant avec sa voix de robot. Les allusions à un quotidien tordu par la consommation de drogues et la pauvreté sociale se reflète jusque dans les corps difformes. La position d’observateur à distance du spectateur crée un inconfort coupable face à cette marginalité filmée avec réalisme et une certaine cruauté. Un petit côté curieux pour le monstrueux sans la poésie ni l’humour du fantastique.

Seth Smith joue également sur la frontière entre réal et fiction et met en scène des membres de sa famille  dans des rôles étranges et inquiétants pour la réalisation de Wind Through a Tree. Le film est constitué de quatre tableaux qui remontent successivement le temps, cadrés rond au centre de l’écran comme s’ils étaient volés par un judas ou une longue vue. Ce rendu est peu séduisant mais insiste sur l’idée du temps, des générations, peut-être d’une bombe à retardement. Tout d’abord, une grand-mère acariâtre, le nez dans ses tulipes et la peau du visage fripée, s’indigne qu’elle ne reçoit jamais d’appel et laisse des messages d’insulte. Puis un jeune homme tente désespérément de se motiver pour sa journée de travail en écoutant des leçons d’estime de soi, alors qu’il enfile un habit de mascotte ridicule pour faire la promo d’une clinique de la vision en bord d’autoroute. Une fillette aux cheveux rouges, d’apparence peste et sorcière, tombe d’une balançoire et s’arrache une dent. Enfin, les gazouillements d’un nouveau né dans son parc à jouet puis son berceau sont doublés pour lui faire décrire les multiples activités de son emploi du temps de ministre. Plus le film avance, plus il devient drôle, et met en relief le potentiel fictif et sadique de la manipulation de scènes et acteurs anodins. Le rouge qui passe des fleurs au costume, puis des cheveux au pyjama de bébé est un fil conducteur visuel et symbolique, entre le conte de fée et l’histoire d’horreur.

Sur le thème de la solitude, les deux derniers courts de la série aimeraient invoquer l’ambiance unique de productions splendides telles que Nothing personal d’Urszula Antoniak et Dead Man de Jim Jarmush. D’Halifax à nouveau, The Canoe d’Alex Balkam reprend le personnage de la jeune femme itinérante qui squatte la maison d’un vieil homme au bord d’un lac, écluse son vin dans la baignoire avant de partir à l’aventure en volant le canoë du vieux. Cette quête de liberté prend acte une fois le bateau sur l’eau, et l’image noir et blanc passe en couleur, tandis que la femme retrouve une voix et chantonne. La marginalité, voire l’illégalité, peuvent aussi s’avérer des accomplissements personnels, des gains de foi et d’espoir, dépendant de l’angle sous lequel elles sont filmées. Le Québécois Martin Rodolphe Villeneuve choisit quant à lui le paysage vallonné et sacré de Notre-Dame-des-Monts qu’un vieillard errant scrute alors que fanent ses couleurs automnales. La pluie, le vent, les feuilles mortes cèderont bientôt la place au froid, et un spectre de grange au bois mangé ne suffira plus pour se protéger de l’hiver. C’est le lieu que choisi ce sans-abri réfugié en campagne pour la nuit, où il communie avec une statuette de (très probablement) Notre-Dame-en-question qu’il décloue le temps d’une soirée. La direction photo est appliquée, les panoramas du ciel, des pins et de l’horizon québécois sont beaux, vus. Chaque gouttelette et craquement de bûche est si travaillé que le son dispute à l’image sa décision et son esthétisme. Une toile cinématographique chargée de détails pour une introspection contemplative qui n’a pas grand chose à raconter.

Malgré l’humour du duo Jean-François Chagnon et Nicolas Krief, et l’enthousiasme de Sarianne Cormier dans leurs présentations d’avant projection, leurs films respectifs La notion d’erreur et La volupté ne vont pas suffisamment en profondeur dans les sentiments humains ciblés pour susciter un réel intérêt envers les histoires contées. Le premier met le doigt sur la vanité d’un professeur émérite qui méprise la différence et prend de haut le simple commis d’épicerie trisomique, la bonne à l’accent étranger ou le collègue nain handicapé. Il sera victime d’un mauvais sort lui nouant violemment les intestins et le faisant trembler de la tête aux pieds. Tourné façon Amélie Poulain petit budget… Quant au second, il s’agit d’une mise en abîme de figurines animées, qui rêvent d’un monde féérique incarné par des danseurs mimant les déplacements par à-coups de marionnettes. Seulement la brunette aux grands yeux mal habillée de haillons qui lorgne vers la soirée mondaine toute dorée chez ses voisins et tombe évanouie de froid en pleine rue aux pieds d’un prince charmant qui fume à son balcon, ça a ses limites. La fin en cène de Noël où l’on trucide une dinde qui avance sur ses pilons n’ouvre pas de dimension supérieure, de même que la transposition inversée des marionnettes en humains   demeure relativement stérile, les poupées ayant presque plus d’expressivité que leurs sosies robotisés.

Parmi cette sélection, Vole, vole tristesse de Miryam Charles est probablement l’oeuvre la plus intrigante et originale, par l’intrusion étonnante de fantastique qu’elle offre dans un contexte réaliste, et sa réalisation brouillon qui sert assez justement son aspect pseudo-documentaire. Une journaliste finlandaise est dépêchée sur une île où, à la suite d’une explosion nucléaire, tous les habitants d’abord devenus aphones ne parlent tous plus que d’une même voix, féminine. La fable relate les propos de différentes personnes interrogées, le désarroi d’un professeur de chorale, et le comique de diverses conséquences et eux de mots autour de ce fait insolite. Sans prendre de position claire, alternant paysages et visages iliens, le reportage ne peut empêcher quelques parallèles sarcastiques du côté de la liberté d’expression électorale, de l’uniformisation du discours diplomatique, de l’hypocrisie des mesures environnementalistes internationales, etc. Le rythme est toutefois soutenu pour saisir toutes les allusions, mais l’idée marrante et incongrue. Un essai québécois qui porte le sceau de La Distributrice de Films, ça va de soi.

 

 

 

FNC 2015 44e édition ./* Violencia de Jorge Forero (Colombie, Mexique, 2015)

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Au hasard de la géographie et des styles sans frontières, la série Panorama élargit l’horizon en offrant un regard sur ce qui se fait actuellement en long-métrage de par le monde. L’occasion d’un mini FFM de qualité FNC. Cinéma d’art et essai au rendez-vous, Violencia de Jorge Forero n’est ni une excursion linguistique, ni un album de vacances ou un circuit de sport extrême. En cette Colombie à l’état sauvage, l’usage d’un guide de survie qui préconise de ne pas se mêler des sales affaires ne suffit plus du tout. Qui est né ici n’en réchappera pas indemne.

Le réalisateur colombien Jorge Forero se démarque, dans ce premier long-métrage, par un cinéma minimaliste, brut, splendide. Il ne s’agit pas tout à fait des talents d’esthète qui consacraient tout récemment La Tierra y la Sombra de César Augusto Acevedo, Caméra d’Or du dernier Cannes, dont Violencia n’a pas non plus l’exotisme du sujet ni son ingéniosité symbolique. Le film démontre toutefois des particularités qui, à terme et discrètement, font leur effet.

Les narcotrafiquants d’Amérique latine n’en sont pas à leur première percée du grand écran, au point qu’on en réinvente les façons de traiter le sujet, avec le succès actuel de Sicario de Denis Villeneuve en salle, et de la série Narcos sur Netflix. Jorge Forero propose quant à lui un aperçu de l’intérieur, en parcourant le chemin que la violence a elle-même suivi pour s’infiltrer dans le quotidien, devenir un métier, un cadre de vie, remplacer celle-ci ou l’ôter à autrui sans plus de protocole. Il s’agit, en trois chapitres enchaînés sans rupture, d’une plongée d’une journée entière dans trois existences de cette violence. Le premier protagoniste est un prisonnier aux mains de rebelles armés dans la forêt, tenu en laisse comme un animal au bout d’une vulgaire chaîne. Derrière ses petites lunettes et ses gestes d’hygiène, l’homme laisse supposer qu’il n’a que peu à voir dans le combat, otage au hasard d’une guerre qui n’est pas la sienne mais dont dépend désormais sa vie. On l’observe trébucher, se cacher d’hélicoptères, faire sa lessive, installer son campement sous moustiquaire, rêver de s’échapper ou se noyer tandis qu’il se lave dans une rivière, et recevoir dans la nuit une injection contre ce qui s’avère une douloureuse infection urinaire à laquelle il ne survivra peut-être pas. Ça ou autre chose, maintenant ou plus tard, il mourra et personne n’en fera grand cas.

Ce doute sur le trépas est également ce qui marque et conclut et la deuxième histoire. C’est cette fois un jeune homme qu’on sort du lit de sa belle brune au petit matin, fuyant par la fenêtre jusque chez lui pour une scène de déjeuner avec sa mère et sa cadette. L’après-midi il tentera une énième démarche bien habillé pour transmettre des papiers auprès d’autorités dont il se voit refuser l’accès, peut-être pour prouver l’innocence d’un frère ou d’un père, ou simplement trouver un travail légal. À la sortie des classes puis aux abords d’un terrain de skate, il n’est qu’un ado pas méchant qui traîne avec ses amis, quand il accepte une job pour payer les dettes familiales d’épicerie, un rendez-vous en bonne-et-due forme pour un travail en campagne. Escorté en soirée avec un ami en forêt par un chauffeur pas plus loquace qu’il ne faut, les deux jeunes se retrouvent encerclés de paramilitaires et leurs mitraillettes, qui tirent avant même qu’ils saisissent dans quoi ils ont mis les pieds. Recrues d’office ou sacrifiés sur le champ pour l’exemple, sans qu’ils l’aient choisi leur vie vient de s’arrêter net.

Troisième éclairage : un commandant de ces soldats armés jusqu’aux dents, dans une résidence luxueusement surveillée qui sert de camp d’entraînement. S’y égorgent des prisonniers comme des brebis galeuses, parce qu’il faut bien manger, parce qu’il faut bien apprendre. Les fusils ne sont pas des jouets pour faire joli. Le paysage bucolique et ensoleillé, les parties de cartes et repas conviviaux servis au mess font contraste avec la violence qu’ils servent et ce pour quoi ces miliciens sont là et formés. Tuer. Efficacement. Trancher d’un coup de couteau pas deux. Sans poser de question. Sa mission accomplie, de jeunes sanguinaires prêts à prendre la relève fièrement, le chef retourne galamment servir les désirs de sa douce qui l’attend en ville.

Dans les bruissements de la nature comme dans la cacophonie de rues animées, le crime passe inaperçu. Il est une industrie qui possiblement fait vivre quelque temps, assurément condamne. En presqu’aucune parole, sans voie de contestation ni de sortie de ce désordre établi, Violencia démontre simplement que personne ni échappe. Comme on frappe en plein visage après une embrassade fraternelle, et que seul demeure le chant d’insectes et d’oiseaux après un coup de feu. C’est beau, lent, pas bavard, mais ça en dit long.

FNC 2015 44e édition ./* Courts-métrages en compétition internationale

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Au 44e FNC cette année, près de quarante courts-métrages de partout sont présentés en sept programmes à l’Annexe du Pavillon Judith Jasmin (ex-ONF). L’occasion de découvrir ou retrouver des signatures tel que Denis Côté, en regard d’oeuvres complètement différentes et originales empruntant à la métaphore (Konstantina Kotzamani), au voyage introspectif (Didier d’Abreu), à la parodie rétro sexuelle sans queue ni tête (Bertrand Mandico). Le programme 2 qui les rassemble s’intitule “Cauchemar” comme il aurait pu s’appeler “Forêt”, et se situe tel qu’annoncé “à la lisière entre rêve et réalité”.

Pour le réalisateur Didier d’Abreu, qui a quitté définitivement son Brésil natal pour la France, la forêt est ce labyrinthe sombre dans lequel l’entraîne une femme à parcourir les méandres de sa mémoire et de l’histoire territoriale, à la rencontre des milliers d’indigènes qui ont fui le pays du temps de la colonisation portugaise (XVIe siècle). Le passage au travers d’arbres gigantesques inflige certaines blessures sacrificielles avant d’ouvrir la voie vers une source d’espoir et d’illumination, une clairière, une cascade, un cri libéré depuis la grotte des souvenirs. Une échappée, après tant d’années hantées. Ce court, dont le montage a été long, laborieux, éprouvant de la bouche de son concepteur, l’a conduit dans des zones personnelles qu’il n’avait pas choisies et n’a pu contourner. Le film enchaîne des moments magiques et excessivement intenses, par exemple la performance improvisée du guitariste américain Arto Lindsay accompagné à la voix par Joana Preiss dans une maison du littoral, ainsi qu’une soirée festive, d’alcool et de fumée, dans le cercle d’une mystifiante transsexuelle. De cet univers onirique chargé de symboles émane une aventure de la teneur mystique du cinéma d’Iñárritu, où le flou photographique percé de fulgurances esthétiques décrit parfaitement la confusion du protagoniste pris de clairvoyance alors qu’il reprend la route de ses origines. Par ce chemin descendent les ombres, et sans doute remontent les esprits.

Denis Côté filme à sa façon un conte d’horreur de belles endormies. Que nous nous assoupissions porte en lui la violence latente de Vic et Flo ou Elle veut le chaos, le surnaturel de Carcasses, et l’hiver québécois de Curling. Un marcheur dans la neige, caméra à l’épaule, entre de chalet en chalet déranger le silence de leurs occupants assoupis ou sans connaissance. Des enfants dans leurs lits jumeaux, des silhouettes étendues au sol ou dans une chaise berçante, autant de corps inexplicablement pris dans le sommeil qui ne disent rien, mais rien de bon. Ce Belle au Bois Dormant revisité par Côté, d’apparence innocent, ressuscite davantage la séquestration de Misery et le soupçon d’une arme chimique dévastatrice. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le Prince Charmant à la caméra y soit pour quelque chose dans ce coma généralisé, et s’il ne touche à rien chez les gens qu’il visite, les chats qui veillent dans chaque foyer ne l’accueillent pas familièrement. Une parfaite matière à court qui s’éloigne des sentiers battus et s’enfonce en plein bois du suspense, en faisant craquer les planchers et les cadres de portes, grincer la poudreuse et expirer les derniers vivants. Pompéi-Pays-d’en-Haut. Cette capsule tournée et montée en quelques jours, et diffusée au TIFF à l’automne, est un divertissement pour le réalisateur et un impeccable condensé de son style, mystérieux, propre et vif, pour le public.

D’Athènes, Yellow Fieber de Konstantina Kotzamani file une métaphore narrée qui s’avère, de manière inattendue, un fort étendard environnementaliste, presque humoristique tellement son scénario semblait partir ailleurs. Le conte de départ évoque le monarque d’un royaume soudainement recouvert d’une poudre jaune dont tous les disciples trépassent en barricadant leurs maisons. N’y demeurent que les palmiers dressés auxquels le roi apprend à se confier. Riche de ce don de s’adresser aux arbres, il est appelé auprès d’une femme âgée qui voit dépérir son palmier tant chéri. Récitée en voix off, la fable offre pour morale un enchaînement de questions sur la maladie, la mort, l’abandon. La forme de la nouvelle est assez naïve mais sa conclusion étonne, tandis que le film se ferme sur des plans de l’horizon jaune de soleil et de pollution d’Athènes. Ça pourrait être la cuvette ocre de San Francisco survolée en avion, une vue de Mexico, New Delhi, Shanghai ou Paris. Le message est le même: le mal est déjà fait à l’atmosphère, irrespirable, et l’humanité fait bien pitié à se planquer derrière ses portes et ses volets pour le nier. Profondément malade, et coupable.

La quatrième ballade en forêt, du réalisateur français Bertrand Mandico, est une invention sous forte dose de psychotropes, impossible autrement. Notre Dame des Hormones mélange, dans son ragoût infecte et farfelu, l’insulte, l’humiliation, et la laideur, saupoudrées de plaisir féminin et traitements hormonaux miraculeux. De là à y voir une critique des dérives actuelles de manipulation des espèces… Reste que le film met en scène une créature répugnante, moitié de cage thoracique gluante et poilue d’un vieillard aux longs tétons. Présentant une antenne qui suggère à la fois le doigt (d’E.T. genre) qui masturbe ou le pénis qui pénètre, ce petit monstre roucoulant et suppurant est recueilli par deux démones tout droit sorties d’un Belle et la Bête de Jean Cocteau ou d’un Peau d’âne de Jacques Demy, dans un décor de fées ancienne génération, des corps entiers servant de meubles à l’instar des bras chandeliers. Il y a bien la forêt magique, les repas frugaux, et la pincée de poils sorciers de toute bonne potion fantastique. À ces ingrédients s’ajoutent des quêtes ancestrales d’amour, de beauté et de jeunesse, et leurs dérives de pouvoir et d’asservissement, cupidité, immortalité, etc. Les brefs chapitres énoncés en voix off et titres à l’écran semblent empruntés de la nouvelle vague, la construction démonte la mise en abîme narrative, les références cinématographiques ou mythologiques sont tournées en dérision par un style plutôt scato-phallo entre La Grande Bouffe et le porno de base. Assez écoeurant, totalement pervers et subversif, sans trop d’intérêt sinon de repousser la fantaisie au-delà de tout jugement de goût.

./* Le Festival du Nouveau Cinéma se poursuit jusqu’au 18 octobre. http://www.nouveaucinema.ca/fr

La semaine passée, la Maison Théâtre a ouvert les portes de sa salle intime sur sa toute nouvelle saison, avec Toi du monde, un spectacle de marionnettes du Bouffou Théâtre de France. Le directeur artistique de la compagnie, Serge Boulier, également metteur en scène et interprète de cette proposition, insiste sur sa conception de la scène comme lieu magique de partage des émotions, quel que soit l’âge. Adressée aux 3 à 6 ans, sa construction est un mélange sensible (et assez exigeant pour les enfants) de jeu, de poésie et de leçon de vie. Son style est appliqué et impliqué, le fruit de trente ans de métier passionnés et d’un savoir-faire expérimenté au fil des histoires.

toi du monde

Dans un décor de maisons de poupée, un conteur, ramoneur de profession, visite de demeure en cheminée les habitants originaux de tout un quartier. Partageant les déboires et les chagrins d’un soir, il transforme les misères quotidiennes et petits travers de chacun en un grimoire de particularités et de récits qu’il tourne au fantastique, afin de redonner le sourire à la jeune Elle, soudainement envahie de tristesse. Pourquoi cette peine ? Elle n’arrive pas à le savoir, et ça n’est pas le point du ramoneur. Pour sa part, il démontre que l’accident, la maladie, le handicap ou l’obstacle font autant partie de la vie que les joies, le bonheur et l’espoir, de sorte que l’ensemble crée un équilibre et permet de défier le vide et le vertige de l’existence. Initiation au funambulisme : par ici.

Les personnages sont relativement âgés, du moins les marionnettes sans cheveux le font paraître, et leurs problèmes plutôt connotés du fait de vieillir – ce qui est une approche étonnante alors qu’on s’adresse à des petits petits. Deux voisins ne sortent sur leur balcon mitoyen que pour un salut dominical, un homme n’a jamais réussi à lacer ses souliers, un autre se déplace en fauteuil et repose sur sa voisine l’aidant pour des commissions ou ses médicaments, une femme perd la mémoire. Ernest, Adèle, Léon, Vittorio, tous drôles et attachants à leur façon. Mais aussi seuls, si on ne va pas vers eux, si on n’entre pas dans leur bulle par effraction.

C’est le pouvoir que le conteur révèle chez cette petite fille, celui de pousser la porte de son imaginaire et d’inventer des compagnons de route. De passer le seuil de sa chambre pour aller vers les autres, de comprendre qu’elle n’a pas à rester isolée, et que nous sommes tous, à divers moments et pour des raisons variées, au pied de montagnes hostiles ou de fleuves de larmes, sans idée de comment les traverser. Une leçon somme toute ardue et qui confond plein d’exemples à différentes échelles, pour des minis êtres qui n’ont peut-être jamais encore entrevu la difficulté du lacet, de la dyslexie ou de la timidité. Voir en la tristesse la beauté de l’émotion est tout de même un apprentissage tardif, qui accompagne la conscience de l’identité, l’authenticité des sentiments et le coût existentiel d’un mal pour un bien.

En revanche, la forme scénique du conte est ludique : des fils sont tendus entre les habitations, on marche sur les toits comme les chats, et à mesure que les foyers et les gens se rapprochent, une communauté solidaire se tisse. Ce lotissement du bonheur n’annihile définitivement ni les peurs ni les malheurs, mais il les intègrent, permet leur partage, les dédramatisent voire les tourne en signes distinctifs, qui donnent à chacun une couleur de caractère et d’étranges manies routinières. Cela forme au final une harmonie, un équilibre entre plusieurs. Les subtilités d’équilibre, les détails de ce labyrinthe architectural sont à l’image de l’enchevêtrement des anecdotes et personnages, très construits mais certainement durs à suivre. Comme les questions de langage et du nombre d’L pour voler. Le choix de ne pas pointer un souci précis chez la fillette ne fait pas de son histoire un bon fil conducteur. Si on était Elle, on s’y perdrait un peu, malgré la clochette et le rendez-vous régulier du dimanche à neuf heures. Et puis c,est triste, en vrai, la vieillesse, la mort, la perte d’autonomie, la solitude, même si l’on rêve d’en échapper. Alors on referme les portes du quartier sans bruit en sachant que la vie et le temps apporteront sûrement sagesse et conseil. En grandissant, un toit, ce n’est plus toujours si haut que ça.

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Toi du monde de Bouffou Théâtre (France)
Jusqu’au 4 octobre
Maison Théâtre
3 à 6 ans