FNC 2014 43e édition ./* The Good Lie de Philippe Falardeau, précédé du court-métrage Mynarski chute mortelle de Matthew Rankin, au Théâtre Maisonneuve
Le Festival du Nouveau Cinéma a lancé cette année sa 43e édition avec la projection de The Good Lie de Philippe Falardeau, précédée du court-métrage Mynarski chute mortelle de Matthew Rankin, dans un Théâtre Maisonneuve à la foule imposante et enthousiaste. La fébrilité ambiante était prévisible compte tenu des divers défis* de cette programmation 2014 et de la chauffe médiatique des dernières semaines, et a laissé place à un accueil chaleureux, prometteur pour la suite. Un pari non gagné d’avance.
Au rang des invités au lutrin, le réalisateur du court Mynarski Death Plummet, Matthew Rankin, dont la prestation au micro était aussi psychédélique et allumée que l’expérience filmique qu’il venait annoncer. En quelques huit minutes, une ribambelle d’images d’archive de la Seconde Guerre Mondiale et des coups de pinceaux tirés d’une inépuisable palette de couleurs LSD, il se propose d’illustrer les ultimes instants de l’aviateur militaire Andrew Mynarski dans sa chute libre vers le royaume de la mort. Tous deux originaires de Winnipeg, le créateur et sa muse se sont donnés rendez-vous en plein délire explosif, piégé par le feu de l’action, le chant des sirènes (d’alarme) et l’appel paradisiaque de l’au-delà. Une fantaisie cinématographique digne d’un bouquet final patriotique ou d’une élucubration sur la partition du Boléro de Ravel. Dommage que, forte d’un tel pouvoir imaginatif, la machine de guerre s’écrase à terre, dans la chute qu’elle laissait prédire, plutôt que de plonger à dos de méduse vers d’autres aventures salvatrices.
Philippe Falardeau n’était pas moins déchaîné alors qu’il vendait The Good Lie, dont il a vanté ironiquement l’acclamation récente au TIFF. Partie de sa chère équipe l’accompagnait à cette première québécoise, et c’est avec une émotion palpable qu’ils ont évoqué leur périple depuis les portes d’un camp de réfugiés au Soudan jusqu’en foyer d’accueil au Missouri, devant et derrière la caméra, et maintenant dans les salles. L’enfer ils l’ont traversé, et en sont revenus pour nous dire qu’il n’est pas tout à fait derrière ni passé.
Écrit par Margaret Nagle autour de l’histoire vraie de ceux qu’on a surnommés les « Lost Boys of Sudan », ce scénario dramatique et beau offrait l’écueil béant du bon sentiment plein l’écran et des nez mouchés. Simple, le traitement a su rester honnête, réaliste, et évident plus que militant. Un bon mélange de faits réels et d’anecdotes romancées afin d’être captivé par le déroulement du récit tout en se conscientisant un peu sur la situation des populations en guerre civile, des cauchemars des réfugiés et des difficultés de l’adaptation à une réalité à l’abri. Reste qu’on se sent toujours un peu bête et profondément inutile en analysant tout cela d’un fauteuil de velours rembourré… Et de sourire de blagues primaires qui n’en sont pas. Mais l’histoire a eu assez bon goût de mettre en action des personnages pas nécessairement bons samaritains par vocation, et de les faire un peu évoluer – alors qu’ils se veulent en retrait de la « bonne société » – vers un minimum d’ouverture, de responsabilisation et de compassion; à leur niveau. Prêts à donner le coup de pouce, très local, mais qui peut aider.
L’intrigue est intéressante, car elle se situe en parallèle de ce qui est dit et montré: la guerre, le refuge, l’expatriation, l’assimilation. En réalité il s’agit plutôt de l’affirmation de la force du collectif et de l’espoir de réunion, en réponse à toutes les attaques. Des frères et sœurs chassés et assoiffés, avec pour seul arrimage les liens qui les unissent, liens avec lesquels ils rejoignent d’autres qu’ils greffent à leur canevas d’espoir. Et comment ce tissage organique se perpétue ailleurs et résiste, en dépit des distances géographiques, culturelles et contextuelles.
Au final, le film est à l’image des images de promotion que l’on ne comprenait pas trop: physiques de sitcom, sourires séduisants, paysages de savane floutés. On retiendra davantage la citation finale, qui donne à elle seule du volume à ce qui plus tôt manquait de quelque chose pour s’élever (retranscription libre) :
« Si tu veux aller vite, va seul ; pour aller loin, pars accompagné. »
Démarrer un festival sur pareille dose de détresse humanitaire et sociale, certes baignée d’une sensibilité sincère et d’une solidarité époustouflante, c’était une bien courageuse façon d’ouvrir les hostilités. Alors que les Lost Boys s’inquiétaient de croiser des fauves dans leur ranch américain d’accueil, on aurait pu les rassurer que non, il n’y avait pas de lion dans la salle. Mais une Louve oui ! Fidèle au rendez-vous, les crocs sortis et le poil dur, comme auparavant. Cet automne encore, elle a attaqué certainement par surprise et demeure incontestablement sur le qui-vive, qu’on se le tienne pour dit.